L'idée...
Suite à la découverte de métal fondu le long de la façade, les conspirationnistes ont émis l'hypothèse que c'était dû à l'utilisation de thermite, un mélange incendiaire à la réaction très violente et qui peut fondre de grandes épaisseurs d'acier. Il a même été avancé que cela avait pu sectionner les colonnes observées sur les ruines du WTC.
Coulée de métal fondu
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Poudre de thermite avant réaction
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Action supposée sur les colonnes
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Nous allons voir quels sont les indices avancés pour l'utilisation de cette technique, notamment dans l'article paru en avril 2009 : Active Thermitic Material Discovered in Dust from the 9/11 World Trade Center Catastrophe, Niels H. Harrit, Jeffrey Farrer, Steven E. Jones, Kevin R. Ryan, Frank M. Legge, Daniel Farnsworth, Gregg Roberts, James R. Gourley, Bradley R. Larsen, The Open Chemical Physics Journal, pp.7-31 (25), Vol 2. PDF
Ces indices ont été examinés à la loupe sur différents forums par des scientifiques ou ingénieurs spécialisés en chimie (Greening), métallurgie (Sunstealer) ou recherche spatiale (Mackey).
Des fils de discussion ou sites à lire : forum d'un ancien truther (Urich), forum jref, blog des debunkers italiens.
Les indices à la loupe...
OBSERVATION GROSSIERE
Pour justifier son hypothèse de thermite, Jones a analysé la poussière recueillie en différents endroits près des effondrements. De ces échantillons, il a extrait au moyen d'un aimant des 'chips' : des écailles d'origine inconnue et bicouches, une de couleur grise, une de couleur rouge.
Les 'chips' bicouches extraites par Jones au moyen d'un aimant
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source
à droite, photos issues de l'article
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Il est vrai que ces 'chips' peuvent faire penser à de la thermite (Cf. photo plus haut) mais vu que ces éléments ont été trouvés en quantité relativement importante et assez systématiquement dans les échantillons de poussière, Jones aurait aussi dû lire de manière un peu plus attentive les rapports du Nist pour voir d'où elles pouvaient provenir. Il aurait alors trouvé cette photo...

... qui est tout simplement de la peinture appliquée sur les poutres du WTC qui s'est écaillée sous l'effet de la chaleur ! La ressemblance n'est-elle pas étonnante ?
C'est vrai qu'une simple photo n'est pas une preuve et que dans la nature, les sosies sont monnaie courante... Nous allons donc aller un peu plus loin dans l'étude des 'preuves' proposés par Jones.
OBSERVATION AU MEB (Microscope Electronique à Balayage - SEM en anglais)
Après cette première observation macroscopique, les auteurs de l'article sont bien sûr passés à une observation plus précise. Un microscope électronique a été utilisé.
Les deux couches ont été scrutées, mais c'est surtout la couche rouge qui a donné lieu aux plus forts grossissements car c'est celle qui était censée contenir le matériau thermitique devant réagir.
 

Ces photos font clairement apparaître deux types de cristaux, ceux sombres, sous forme de plaquettes souvent amoncelées, et d'autres bien plus clairs et plus petits, sous forme de grains.
En plus de ces images, Jones et ses coauteurs ont proposé des spectres EDS qui permettent de déterminer le type d'éléments chimiques présents. Ils sont parvenus à cibler les deux types de cristaux ce qui a donné les spectres suivants :

Chaque pic représenté correspond à un élément et plus le pic est important, plus l'élément est en quantité abondante.
(a) concerne les plaquettes et montre surtout la présence de carbone (C), oxygène (O), aluminium (Al), silicium (Si).
(b) représente les grains et signale la présence prépondérante de carbone, d'oxygène et de fer (Fe).
La réaction chimique de la thermite étant la suivante :
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Bingo !!
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Jones avait effectivement dans ces spectres tous les ingrédients pour réaliser sa petite cuisine, sauf que...
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Sauf que si on y regarde de plus près, et Sunstealer l'a fait de manière assez précise dans ce post, on s'aperçoit que les images prises au MEB montrent des cristaux ressemblant de manière tout à fait spectaculaire à deux composés parfaitement connus.
Pour les plaquettes, le produit correspondant est la kaolinite, un minéral composé de silicate d'aluminium hydraté, de formule Al2Si2O5(OH)4. La ressemblance est étonnante : forme des plaquettes, superposition... De nombreuses autres photos sont disponibles sur le net et à rapprocher des précédentes. La formule moléculaire est en parfaite adéquation avec le spectre fourni plus haut (a) puisque les auteurs justifient pour partie la présence de carbone par le processus opératoire.

Pour les grains brillants, compte tenu du spectre obtenu, il apparaissait logique de chercher dans les oxydes de fer. Il peut être trouvé différentes formes de cristaux pour Fe2O3, mais les formes rhomboïdales sont particulièrement adaptées pour notre cas. En comparant avec le plus fort grossissement fourni par les auteurs (photo située à droite du zoom sur les couches grises et rouges) la ressemblance est évidente.
Or, ces deux produits, qui correspondent remarquablement avec les observations des deux cristaux présents dans la couche rouge, sont abondamment utilisés pour la composition des peintures que ce soit le kaolin (kaolinite) ou l'oxyde ferrique (Fe2O3).
Pourquoi Jones et ses coauteurs ont-ils évacué cette possibilité ?
ANALYSE DES SPECTRES
Comme nous l'avons vu précédemment, les spectres EDS permettent d'obtenir les éléments présents sur une zone très ciblée d'un matériau.
Jones et ses coauteurs ont donc réalisé plusieurs sondages sur les couches rouges des 'chips'. Sur quatre échantillons pris dans des prélèvements différents, les résultats ont été très semblables (figure 7 de l'article). Même ceux de F. Henry-Couannier donnent des résultats très voisins. Il aurait donc été intéressant et logique de comparer ces spectres avec ceux obtenus avec de la thermite du commerce qui a notamment été utilisée pour l'article. Pourquoi cela n'a pas été fait ?
Par contre, lorsque Sunstealer, lui, a comparé ces spectres avec ceux de la kaolinite combinée avec du gypse, la ressemblance était frappante. La superposition des pics, des proportions, est d'une concordance incroyable !! Et comme les auteurs reconnaissent eux-mêmes que les échantillons ont pu être contaminés par le plâtre présent en quantité dans les tours la comparaison apparaît d'autant plus pertinente...
En haut, le spectre issu d'une étude sur la kaolinite, puis celui de Jones, puis celui de FHC.

Compte tenu de ce qui précède, ayant à disposition le portrait, les empreintes digitales et l'adn des deux produits, le lecteur conclura de lui-même quelle est la nature la plus probable du produit rouge analysé.
Ainsi, à l'heure actuelle et sans autre investigation, les quatre échantillons analysés dans l'article et dénommés a, b, c, et d, présentent 99 % de chance d'être de la simple peinture et non de la thermite.
Le seul moyen pour Jones de prouver qu'il ne s'est pas lourdement trompé dans ses conclusions est de proposer une étude qui montrera si l'aluminium est bien sous forme élémentaire (Al - pour la thermite) ou combinée (Al2Si2O5(OH)4 pour la kaolinite).
La procédure est très simple et rapide : il suffit de réaliser une étude par diffractométrie de rayons-X (DRX ou XRD en anglais). Si l'aluminium est bien sous forme élémentaire (mais alors on peut se demander où il se cache sur les images au MEB !), l'hypothèse kaolinite tombera d'elle même, sinon, il se dit que le ridicule ne tue pas...
Le fera-t-il ? That is the question !
LE PASSAGE D'UN ECHANTILLON AU MEK
Pour prouver leurs allégations, les auteurs ont aussi passé un échantillon au MEK, un dissolvant. Ils l'ont trempé pendant 55 heures avec des agitations fréquentes et disent avoir obtenu ainsi une ségrégation de l'aluminium. Bizarrement, ils ne nous la montrent pas.
En outre, l'échantillon qui a été testé était TRES DIFFERENT des quatre autres. Le spectre obtenu comportait en effet des éléments qui n'étaient présents dans aucun des quatre autres proposés.

Zinc (Zn - très utilisé lui aussi dans les peintures), soufre (S), chrome (Cr)... Cela montre que la comparaison avec les autres 'chips' n'est pas très pertinente.
De plus, la très faible proportion d'aluminium par rapport aux autres composants est suspecte pour un matériau (la thermite) censé être a priori constitué d'un mélange d'aluminium et d'oxyde ferrique !
Aucune image précise n'est fournie des cristaux composant cet échantillon, impossible donc de conclure.
QUELQUES CONSIDERATIONS THERMIQUES
Enfin, le dernier indice avancé par les auteurs de l'article est la découverte de microsphères métalliques dans les échantillons de poussière. Pour eux, c'est la 'preuve' que la thermite a justement fait fondre l'acier...
Tout d'abord, notons que le test calorimétrique (DSC) censé évaluer le pouvoir calorifique des 'chips' a été effectué à l'air libre. C'est totalement incompréhensible sur le plan scientifique puisque les auteurs souhaitaient mettre en évidence une réaction thermitique qui ne nécessite pas d'oxygène. Les échantillons contenant du carbone, l'erreur devient carrémentune faute professionnelle et rend caduque toute interprétation de l'énergie dégagée lors des essais. Des tests en atmosphère inerte (gaz argon ou autre) étaient indispensables ! La méthode utilisée est d'un non-sens incroyable : même un débutant n'aurait pas commis une telle bévue... Source 1, Source 2, Source 3.
En effet, comment différencier dans les courbes obtenues l'énergie qui provient du matériau thermitique supposé et celle issue du carbone 7 à 8 fois plus énergétique que la thermite à l'air libre ?
Le pouvoir calorifique ainsi obtenu est donc totalement inexploitable. Il peut juste être avancé qu'il est 3 fois moindre que celui du... papier (!), c'est à dire une valeur ridicule pour qui veut faire fondre des poutres en acier avec une simple couche sur les poutres. L'élévation de température à attendre d'un tel produit a été évaluée à quelques degrés seulement (Source 1,Source 2, Source 3). Ce point particulier est développé dans la rubrique qui suit celle-ci.
En outre, il faut savoir que le genre de sphères extraites est régulièrement trouvé dans les poussières et n'a rien d'exceptionnel. Les debunkers italiens en avaient même trouvé dans un parc à Milan.
Sunstealer, qui jusqu'à présent a fourni des informations remarquables sur l'ensemble du sujet, a émis l'hypothèse que l'oxyde ferrique présent dans la couche rouge a pu s'agglomérer sous l'effet de la chaleur : incendies, frottements, chocs... à confirmer.
Au final, il semble se confirmer le complet fourvoiement de Jones et ses co-auteurs.
Ces nombreuses lacunes et erreurs de méthodologie montrent que Jones et ses coauteurs, loin d'avoir une quelconque démarche scientifique, ont tout simplement écarté toutes les autres hypothèses sur la provenance des 'chips' pour aller vers la seule et unique conclusion qui les intéressait. Nous connaissions leur grave incompétence suite aux articles publiés sur le site "journalof911studies", nous pouvons maintenant clairement douter de leur honnêteté intellectuelle.
SYNTHESE
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